Père Louis-Marie de BLIGNIERES ⋅ Les Évangiles sont-ils fiables ?

6ème Forum en ligne - 8 mai 2021

L'intervenant

Père Louis-Marie de BLIGNIERES

Né en 1949 à Madrid, ordonné prêtre par Mgr Lefebvre en 1977, le père Louis-Marie de Blignières fonde en 1979, à Chémeré-le-Roi dans l’Ouest de la France, la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier, qui est reconnue comme Institut religieux de droit pontifical en 1988. De formation supérieure scientifique, il est docteur en philosophie, avec une thèse sur Le mystère de l’être publiée en 2007. Il a fondé les Retraites du Rosaire et animé un café-caté au Quartier latin. Il collabore à la revue Sedes Sapientiæ, a dirigé un ouvrage collectif Priorités éducatives,  et est l’auteur de divers ouvrages de spiritualité, dont le dernier, Le Rosaire dans ma vie, a reçu une préface du Cardinal Robert Sarah.

Toutes ses interventions

Section I. Le texte et les témoignages

I. Le Texte des Evangiles

Le Nouveau Testament jouit d’une attestation historique exceptionnelle.

A. Les manuscrits

Le nombre des témoins : 5 364 manuscrits en grec du Ier au VIe siècle (10 manuscrits de la Guerre des Gaules) et leur proximité de la première rédaction : moins de 300 ans des faits rapportés, les plus anciens fragments à 30 ans (Jules César, 1 000 ans) placent le texte du Nouveau Testament, sous ce rapport, en tête de la littérature de l’Antiquité.

B. Leur histoire : authenticité, intégrité

Le Nouveau Testament nous est parvenu dans son intégrité substantielle.

a) La concordance des versions

Nos textes actuels concordent avec les plus anciens manuscrits de la vulgate latine, du (VIe – VIIIe siècle) ; avec les manuscrits grecs anciens, le Sinaïticus et le Vaticanus ; avec la vieille version syriaque, utilisée par saint Aaphrate (mort vers 367) et saint Éphrem (mort en 373) ; avec les versions latines antérieures à la vulgate, comme l’Afra qu’utilisèrent Tertullien et saint Cyprien au IIe et IIIe siècles, et l’Itala.

Le texte d’Isaïe (datant d’avant 66 de notre ère) découvert en 1947 à Qumran concorde avec celui qui est contenu dans les deux plus anciens codices contenant l’intégralité du Nouveau Testament, le Vaticanus et le Sinaïticus, et avec celui des actuelles Bibles chrétiennes.

b) Le culte de la tradition chez les apôtres

Il n’a pu y avoir de corruption importante des textes au Ier siècle ou dans le courant du IIe siècle. Les églises, luttant contre les hérétiques, se préoccupent de transmettre sans altération l’enseignement primitif. « Eh bien, si nous-même, si un ange venu du ciel vous annonçait un évangile différent de celui que nous avons prêché, qu’il soit anathème ! » (Ga 1, 8). On retrouve ce même culte chez les autres apôtres. : saint Jean (2 Jn, 10), saint Pierre (2 P 2, 1), et saint Jude (3-4, 17-19).

c) Le culte de la tradition chez les Pères apostoliques

L’obligation de respecter strictement la tradition des apôtres apparaît chez saint Ignace d’Antioche, disciple de saint Polycarpe de Smyrne (Épître aux Éphésiens, 9, 1 ) ; Clément de Rome, mort avant l’an 100 (Première épître aux Corinthiens, 7 ) ; dans la Didachè ou Doctrine des douze apôtres (Didachè, 4, 13).

Tous les textes sont très tôt connus des pasteurs et des fidèles, grâce à la prédication orale des apôtres et de leurs premiers disciples, les églises sont partout en garde contre les innovations et se méfient des apocryphes. Cela rend invraisemblable la réception d’écrits non canoniques.

d) Le nombre restreint des variantes significatives

Seulement une quinzaine ont quelque importance, soit 150 mots sur les 150 000 du Nouveau Testament. Ceci est exceptionnel au regard de tous les textes profanes de l’Antiquité. Ces variantes quant au sens n’introduisent pas de nouvelles vérités doctrinales, qui seraient inconnues par ailleurs ; elles n’en rejettent pas ; elles ne changent pas non plus l’histoire et les faits.

II. Les témoignages

A. Les témoins chrétiens

L’authenticité des Évangiles est corroborée tant par saint Paul que par les Pères.

1. Saint Paul

Les lettres d’une authenticité admise par tous (56-58) contiennent les lignes principales de la vie de Jésus, d’une manière précise et certaine. Ces données recoupent rigoureusement et dans le détail ce que nous savons par les Évangiles.

2. Les premiers Pères de l’Église

Ils parlent des Évangiles et des Actes des apôtres et nous renseignent sur leurs auteurs : saint Ignace d’Antioche, mort en 107 ; Papias, évêque d’Hiérapolis au IIe siècle ; le fragment de Muratori, traduction d’un original en grec (aux alentours de l’an 107) ; saint Irénée, évêque de Lyon, entre 180 et 185 ; Tertullien, vers 207 ; Origène, vers 244 ; Clément d’Alexandrie.

B. Les témoins non chrétiens
1. Des témoins du monde juif

Flavius Josèphe (37-105), informé de la culture juive dont il provenait, et des affaires romaines à cause de son ralliement à l’Empire, fait allusion élogieuse, vers l’an 93, à Jean-Baptiste et à sa mise à mort injuste par Hérode. Il parle de Jacques, le « frère » de Jésus appelé le Christ, qu’Ananie le Grand-Prêtre en l’accusant d’avoir transgressé la loi, fit lapider.

Une version arabe non interpolée d’un passage parlant du Christ (Antiquités juives, 18, 3, il s’agit du testimonium flavianum) a été découverte en 1971 par un professeur de l’Université hébraïque de Jérusalem, Shlomo Pinès :

En ce temps-là vivait un sage nommé Jésus. Il se conduisait bien et était estimé pour sa vertu. Nombreux furent ceux, tant Juifs que gens d’autres nations, qui devinrent ses disciples. Pilate le condamna à être crucifié et à mourir. Mais ceux qui étaient devenus ses disciples ne cessèrent de suivre son enseignement. Ils racontèrent qu’il leur était apparu trois jours après sa crucifixion et qu’il était vivant.

Sans doute était-il le Messie sur qui les prophètes ont raconté tant de merveilles.

La Mishna; et le Talmud polémiquent fortement contre Jésus. Si elles déforment sa vie, elles rapportent plusieurs faits qui recoupent le récit des Évangiles et même, selon le Juif Joseph Klausner, elles ne mettent pas en doute l’historicité des Évangiles.

2. Des témoins païens

Tacite, disciple de Pline l’Ancien, qui avait été en Judée sous Titus, dans ses Annales écrites entre 69 et 117, parle de l’incendie de Rome sous Néron. Il affirme que, « pour faire cesser les rumeurs, [Néron] accusa les chrétiens, qui étaient haïs pour leurs abominations, les chargea de cette culpabilité, et les punit par toutes sortes de tortures affreuses. Ce nom leur vient de Chrestus, qui fut mis à mort par Ponce-Pilate, procurateur de Judée sous le règne de Tibère ».

Pline le Jeune, gouverneur de Bithynie en Asie Mineure, écrit vers 112 à l’empereur Trajan pour demander des consignes vis-à-vis des chrétiens.

Ils affirment que leur seule culpabilité, ou leur seule erreur, c’est qu’ils avaient l’habitude de se réunir un certain jour fixe, avant le lever du jour, pour chanter en alternance des hymnes à Christ, comme à un dieu, et pour se livrer à des serments solennels de ne pas commettre de mauvaises œuvres. Une multitude de personnes de tout âge, de tout sexe, de toute condition sont accusées […]. Cette superstition contagieuse n’infecte pas seulement les villes, elle s’est répandue dans les bourgs et au sein des campagnes […]. La foule commence à revenir dans nos dus presque déserts auparavant. […] On peut se faire une idée de la multitude d’égarés qu’il sera possible de ramener au devoir.

Suétone écrit vers 120, dans sa Vie des Douze Césars : « [Claude, empereur de 41 à 52] expulsa de Rome les Juifs, devenus, sous l’impulsion d’un certain Chrestus, une cause permanente de désordre » (Vita Claudii, XXV, 4). Lorsqu’il parle de Néron, Suétone rapporte qu’il « envoya au supplice les chrétiens, race d’hommes d’une superstition nouvelle et nocive » (Suétone, Vita Neronis, XVI, 2). On trouve dans les Actes des apôtres une allusion à cette expulsion (Ac 18, 2).

Section II. La valeur historique des Evangiles

Les textes des Evangiles remplissent bien les conditions des écrits auxquels il faut accorder la « foi historique ». En effet :
– ils relèvent du genre proprement historique ;
– leurs auteurs sont bien informés ;
– ils sont véridiques.

A. Le genre littéraire des textes

On distingue facilement dans les Évangiles les textes de caractère allégorique (les paraboles) ou poétique (les cantiques : Benedictus, Magnificat …) du récit lui-même. Vie et paroles du Seigneur sont proposées selon le style accoutumé pour une narration, avec des noms propres de personnes identifiables, avec des dates et des lieux, et non de la façon intemporelle qui caractérise les légendes.

La manière de dire est sobre, sans amplification oratoire, même pour des choses sublimes. Pas de mythes, ni d’exagérations ridicules et fantastiques, qui fourmillent dans les évangiles apocryphes.

Le caractère objectif et historique des Évangiles est tellement manifeste que tous les anciens ont admis ce caractère.

Les « amis » comme Irénée, Clément d’Alexandrie, Origène, par ailleurs si prompts à trouver dans les Écritures des allégories, ont pleinement admis l’historicité des Évangiles ;
les « ennemis » du christianisme naissant : Celse, vers 178, ne niait pas les miracles de Jésus, mais les présentait comme des prodiges de magicien (cf. Origène, Contra Celsum, 1, 68 ). Porphyre s’efforçait d’expliquer de façon rationaliste toute l’œuvre de Jésus (Cf. Saint Jérôme, Liber hebraicarum quæstionum in Genesim, 1, 10.).

Les Évangiles relèvent de ce genre littéraire qui vise à rapporter avec soin des faits qui se sont réellement déroulés.

Puisque plusieurs ont entrepris de composer un récit des faits accomplis parmi nous, d’après ce que nous ont transmis ceux qui ont été dès le début témoins oculaires et serviteurs de la Parole, il m’a paru bon, à moi aussi, qui, dès l’origine m’étais appliqué à tout connaître exactement, de t’en écrire avec ordre, noble Théophile, afin que tu saches bien la solidité de l’enseignement que tu as reçu » (Lc 1, 1-4).

B. L’information des auteurs

Les auteurs ou rédacteurs des Evangiles, sont :
– soit des témoins immédiats des faits (Matthieu, Pierre, Jean) ;
– des personnes en relation familière avec des témoins de premier ordre, tels que la Sainte Vierge, les apôtres, les autres disciples (Marc, Luc).

Selon le manuel de la BAC (Biblioteca de autores cristianos, 1962) : « Matthieu écrit vers l’an 45, Marc vers 53-58, Luc vers 58-62 ». Pour Philippe Rolland, (1994) Matthieu serait même écrit en hébreu et traduit en grec avant 40, Luc en 63 ou 64, Marc en 66-67.

Les récits émanent de contemporains de Jésus, et non de rédacteurs tardifs ayant vécu loin de la Palestine. Mais l’hypothèse d’une durée “longue” de tradition orale ne met aucunement en doute, de soi, la fiabilité historique de ces textes. En effet, le garant de la vérité-véracité de ces documents officiels est, dans cette vue, l’Église apostolique, à laquelle s’appliquent normalement les arguments [connaissance des faits et bonne foi], que l’on utilise traditionnellement pour Matthieu, Marc, Luc, Jean.

L’Église primitive était une communauté hiérarchiquement structurée pour conserver et transmettre, sous la garantie d’apôtres et d’autres témoins encore vivants, formés dans le respect absolu de la tradition, les paroles et faits de Jésus. Si les faits rapportés ne concordaient pas avec ce qu’ils avaient vu ou entendu, les Églises auraient protesté et n’auraient pas accepté avec vénération ces écrits, comme elles l’ont fait. (cf. 2 Tm 2, 12).

Les faits rapportés étaient faciles à observer et à raconter : la vie d’un rabbi juif, avec des événements précis et localisés, des prédications, des voyages dans un petit pays, des prodiges spectaculaires ayant eu de nombreux témoins.

Les paroles du rabbi pouvaient être fidèlement conservées, avant même leur mise par écrit, par les techniques sémitiques de la tradition orale, dont l’excellence est de plus en plus reconnue aujourd’hui.

C. La véracité des auteurs

La fraude est impossible au point de vue interne.

Les auteurs n’ont aucun motif de mentir. Ils ne tireraient aucun avantage de leurs inventions, si ce n’est la honte de l’exclusion de la synagogue et la persécution.

Ils ne se sont pas adaptés aux attentes populaires d’un Messie glorieux.

Ces Juifs pieux, en dessinant une figure de prophète imaginaire qui se disait « Fils de Dieu », auraient commis un mensonge énorme et un blasphème, crimes incompatibles avec leur moralité, telle qu’elle apparait par leur doctrine, leur vie et leur mort.

Jésus recommande à ses disciples une attitude de rigoureuse véracité (Mt 5, 37). Les apôtres et les premiers chrétiens ont accueilli et diffusé cette exigence (Jc 5, 12 ; 1 P 2, 1). Ils l’ont vécue dès le début de leur ministère au prix de la persécution (cf. Ac 4, 20).

Nous avons là, au point de vue de la raison critique (mais non sceptique), les conditions optimales pour la crédibilité historique du témoignage humain.

La fraude est impossible au point de vue externe.

Les témoins, amis ou ennemis, vivaient encore. Ils auraient pu mettre en lumière des mensonges et dénoncer des inventions. On ne trouve pas trace de protestation ni de négation de la substance des faits.

Les Évangiles ont été reçus et lus dans toutes les églises par les premiers chrétiens, qui avaient déjà été instruits oralement par les apôtres ou leurs envoyés. (cf. 1 Co 15, 1-3).

Le texte des Évangiles confirme la véracité des auteurs.

Les détails géographiques et historiques accessibles à l’historien sont bien en place. La « révolution archéologique », depuis une centaine d’années, a apporté de nombreux renseignements sur la société juive et romaine, et la terre de Palestine au Ier siècle et a confirmé l’exactitude des récits évangéliques.

La doctrine sublime des Évangiles et la personnalité éminente de Jésus peuvent-ils être des inventions de personnes qui n’exerçaient aucun rôle dans le monde de leur temps et qui ne jouissaient pas d’une culture littéraire ou philosophique ?

La seule raison suffisante que l’on puisse donner des écrits du Nouveau Testament est la réalité objective de la personne et des faits décrits. Autrement, l’existence du christianisme, qui sort de l’Évangile, serait un effet sans cause.

Conclusion

Il importe de préciser que l’historicité des évangiles a des caractères spécifiques, qui correspondent au genre littéraire des Évangiles, qui ont pour but de transmettre la foi en Jésus, Fils de Dieu (cf. Vatican II, Dei Verbum, n. 19 ; cf. CEC, n° 126).

L’homme honnête, à moins de partager le préjugé selon lequel le surnaturel et les miracles sont impossibles, ne niera pas aux Évangiles la valeur de documents qui présentent les critères authentiques du témoignage historique. Si son cœur est rectifié par l’amour de la vérité, son enquête le conduira à reconnaître la crédibilité rationnelle des Évangiles.

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