La question de l’Islam et des Musulmans n’a jamais reçu de réponse claire ni surtout magistérielle de la part de l’Église, depuis quatorze siècles que Chrétiens et Musulmans cohabitent, parfois difficilement. Ce silence de l’Église, ou parfois la confusion de son discours, demandent aux Chrétiens d’aujourd’hui, dans le contexte d’une « troisième vague de l’Islam » ( P. Jourdan ) de se pencher sur la question pour trouver la juste attitude face à la religion musulmane et à ses membres.
1- ( 00:00 ) Introduction par Marc Fromager et présentation des intervenants par Samuel Pruvot
Dans les quatorze siècles de cohabitation entre l’Église et l’Islam, de St Jean Damascène au Pape François, quel a été la ligne directrice de l’Église sur la question musulmane ?
2- ( 05:26 ) Une approche improvisée conduite par les questions militaires et politiques ( P. Jourdan )
- Trois grandes vagues de conquête par l’Islam se sont imposées au monde au Chrétien :
- la conquête arabe des débuts de l’Islam,
- la conquête turque à partir de 1517,
- la conquête islamiste, aujourd’hui.
- La réaction des Chrétiens lors des deux premières vagues de conquête islamique est une confrontation sur les questions doctrinales : la Trinité, l’Incarnation… Les ecclésiastiques produisent des écrits de dénonciation de l’Islam, dont la plus grande synthèse est probablement celle de Saint Jean Damascène.
- Le virage dans le discours chrétien va s’opérer avec Louis Massignon : pour sortir de l’embourbement et de la confrontation, il faut rechercher la rencontre, le dialogue sur les points communs. On tombe alors dans l’autre extrême, en dérapant sur des questions de fond, comme le pseudo-abrahamisme musulman ( cf Coran, sourate 3, verset 57 )
3- (17:53 ) Le discours des papes sur l’Islam ( Annie Laurent )
Aucun concile ou pape n’a développé de doctrine magistérielle à l’égard de l’Islam. Mais des évocations de l’Islam dans différents conciles, homélies ou textes des papes témoignent d’une approche confuse et non doctrinale.
Ex :
- la question militaire : IXe concile œcuménique, Latran I, 1123, St Calixte II : « Il faut partir défendre le peuple chrétien et combattre la tyrannie des infidèles ».
- l’évangélisation : Sous Eugène IV, au concile de Bâle, le pape émet le souhait qu’il faut travailler à « l’évangélisation de la secte impie de Mahomet ».
- les points communs : 1460, Pie II écrit à Mehmet II pour l’inviter à se faire baptiser, en soulignant les points d’accord entre Islam et christianisme : un seul dieu, immortalité de l’âme… En novembre 1979, dans son homélie à Ankara, Jean-Paul II reprend les prétendus points communs : « La foi d’Abraham dans le Dieu unique tout puissant et miséricordieux ».
Cf article d’Annie Laurent sur Clarifier, La Nef n° 312, mars 2019.
4- ( 37:40 ) Des précisions sur le mot hérésie ( P. Jourdan )
Chez Saint Jean Damascène, la centième hérésie est l’Islam. Pourtant, le mot n’a pas son sens commun puisque l’Islam ne vient pas d’une déviation au sein de la religion chrétienne. « L’Islam est un syncrétisme récupérateur ».
5- Les difficultés du dialogue sur l’Islam :
- ( 41:09 ) Jourdan : il existe un obstacle psychologique au dialogue inter-religieux avec l’Islam, qui est la peur, de la part des Chrétiens, mais surtout des musulmans, qui craignent leur dieu dominateur, et leur communauté. Et on entretient ce malentendu par un « obscurantisme inter-religieux entretenu ».
- ( 45:32 ) Annie Laurent : à ce facteur psychologique, s’ajoute des ambiguïtés dans la position de l’Église : Cf Lumen Gentium : les musulmans « adorent avec nous », et leur religion est une « préparation évangélique ».
Or le dialogue est nécessaire mais n’est pas l’aboutissement, il doit être orienté vers le Salut, et par conséquent rester ferme sur les questions de foi.
6- ( 51:40 ) Qu’est ce qui a fait déraper ce dialogue entre l’Église et la religion musulmane ?
- Émergence d’une « théologie des religions », où l’Islam est apparenté à une révélation partielle, un « mystère » ( Cf Christian de Chergé ).
- Situation d’auto-dhimmitude (protection-assujettissement) des Chrétiens, qui ne nous est pourtant pas imposée encore, mais nous menace...
Cf Dans le piège irakien, Mgr Jean-Benjamin Sleiman, 2013, Presses de la Renaissance.
7- Quelles pistes pour un dialogue fructueux avec les musulmans aujourd’hui ?
- ( 56:51 ) P. Jourdan : la question de la liberté doit être exploitée, pour faire prendre conscience aux musulmans du manque de liberté dans la conception coranique de Dieu.
- ( 58:19 ) Annie Laurent : l’anthropologie doit aussi être utilisée pour mener à une réflexion sur l’identité, la vocation et la destinée de l’homme, qui mène à l’Alliance de l’homme et de Dieu dans la religion chrétienne.